Il dure depuis 1840, ce vacarme... et qu'ils pleurent ou qu'ils mentent, les Cariocas y sont attachés comme une troupe démente de fous de bals.
Avec cette habitude, chaque année en fin d'hiver, de ne pas arrêter le char de bonne heure et d'oublier d'aller dormir, le Carnaval battra encore longtemps son plein plutôt que sa coulpe, dûment. Et ça, tous les politiciens du coin seront d'accord : tant que le peuple s'amuse...
De ses débuts, un témoin d’époque, le journaliste R. Cortambert rapporte : « Pendant que les blancs s'abandonnent aux distractions mondaines ; les nègres se livrent avec une sorte de furie bestiale à tous les excès de la danse. » * (« L’Illustration », décembre 1868). Sous la forme que nous lui connaissons aujourd'hui, ce Carnaval est une somme de traditions importées - d’Afrique, de Paris, Venise ? - et vues par l'élite bourgeoisie du XIXe siècle comme « un élément d'ordre et de civilisation contre le carnaval populaire traditionnel »**. Officiellement, il ne dure que les 4 jours avant le mercredi des Cendres mais en réalité, c'est 3 semaines avant que les premiers défilés de rues s'improvisent, partant littéralement des quartiers les plus déshérités de la ville.
Et si quelques grincheux (tout aussi sûrement jaloux que parfois étrangers), pensaient qu’il est facile à une population largement sous-employée de concocter de tels artifices, parures et costumes tous plus fantasques les uns que les autres et d’inventer musiques telles qu’aucun autre peuple n’oserait songer à le faire, le constat est simple : ces habitants des favelas – favelas, ça fait moins peur que « bidonvilles », grand merci à M. Nougaro – ces habitants, donc, savent que ce ne sera pas de leur fait ni demain, merveille !, si le Carnaval de Rio dégénère***... oh-brigado !
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* Cité en français par Felipe Ferreira « Inventado Carnavais, O surgimento do carnaval carioca no seculo XIXe e outras questões carnavalescas », Ed. Universidade Federal do Rio de Janeiro, 2005, p. 74.
** Toujours d'après un spécialiste de son histoire, Felipe Ferreira, professeur à l'Université d'État de Rio.[Source : WP,]
*** "Riogénaire" est une forme archaïque (XVIe s.) et française du nom de la cité au Christ Rédempteur.