On choisit ses premiers pas, on choisit pas son trépas... On choisit pas non plus un chantier qatari, celui du métro de Paris, pour y laisser la vie. Être mort, quelque part, c'est toujours un hasard.
Mais mourir au travail... cela nous renverrait-il à l'origine même du mot, qui évoque une torture physique* ? Dans un pays encombré d'études et statistiques de toutes natures qui n'intéressent souvent que les instituts grassement stipendiés pour les produire, les "morts au travail" - peu souvent ministres et souvent anonymes, il est vrai - valent donc probablement moins, déjà, que ceux de la route !
Car le thème des "morts au travail" ne faisant pas recette - dans la presse comme en politique - on ne dénombre en France, jusqu'ici en 2023, aucun chiffre sérieux, aucune compilation réaliste ou factuelle sur le sujet : c'est un professeur d'histoire qui enquête et dont l'ouvrage, fruit de quatre années d'un labeur de fourmilier, paraîtra le 10 de ce mois. Avant cela, le rassemblement (le 4 mars dernier) d'un collectif de familles victimes de décès au travail s'était organisé à Paris, dans un silence plus proche de l'indifférence que du respect.
Pourtant, même avec des chiffres largement tronqués**, la France affiche dans l'Union Européenne une mortalité dépassant le double de celui de ses voisins... Serait-il temps peut-être d'y accorder quelque chose d'autre qu'une minute de silence, des regrets convenus voire une médaille posthume ?
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* tripallium : "trois pieux" ?
** les chiffres des "enquêtes officielles" ne tiennent compte que des salariés du "régime général" (hors agriculteurs et fonctionnaires, par exemple)